samedi 25 juillet 2015

Hydro-Québec devra être plus verte et exiger des tarifs «raisonnables»

22 juillet 2015 – Source : Le Soleil

(Québec) Les hausses des tarifs d’électricité ne doivent plus être supérieures à l’inflation. Mais Hydro-Québec doit continuer de miser sur l’éolien, augmenter ses revenus par l’exportation et devenir une société d’État plus efficiente et ouverte.

C’est une série de «commandes» que le gouvernement passe à sa société d’État, pilotée depuis le 6 juillet par Éric Martel, un ex-haut dirigeant de l’avionneur Bombardier. Le décret, qui paraît ce matin dans la Gazette officielle, contient une vingtaine d’éléments précis pour rédiger le plan stratégique 2016-2020.

L’arrêté ministériel fait référence d’entrée de jeu au discours inaugural de Philippe Couillard, en mai 2014. «La volonté du nouveau gouvernement [est] de maintenir le projet d’électrification des transports, de relancer le Plan Nord, d’utiliser stratégiquement les surplus énergétiques et d’intensifier les efforts en efficacité énergétique.»

Une recommandation-phare porte sur la facture que doivent payer les consommateurs. Hydro se voit fixer des «cibles annuelles» pour ses «charges d’exploitation».

Ces objectifs viseront des «gains d’efficience […] de façon à ce que l’évolution des tarifs d’électricité atteigne, au terme de la période couverte par le plan stratégique, un rythme égal ou inférieur à celui de l’inflation». Cette période s’étale sur cinq ans.

En juin, en nommant M. Martel, le ministre Pierre Arcand a rappelé que Philippe Couillard avait promis, en campagne électorale, de limiter les hausses à ce seuil. Il s’est montré «préoccupé» que les deux derniers relèvements aient été de 2,9 % et de 4,3 %. À sa première sortie publique, le pdg a promis, lui, d’y aller d’augmentations «raisonnables».

Le décret se lit comme la résolution du ministre des Ressources naturelles Pierre Arcand de suivre au plus près la société d’État et de donner un mandat fort à son président et directeur général Éric Martel. En se présentant devant les médias, les deux hommes avaient insisté sur leur désir de rendre Hydro plus transparente.

Gouvernement ouvert

Le décret fait allusion au «gouvernement ouvert». Pour l’entreprise d’État, cela signifie de meilleures «relations avec la clientèle», mais cela passe aussi par la divulgation de plus d’informations publiques.

Hydro aura à déterminer la nature de ces données. Cela peut aller du dévoilement automatique des allocations de dépenses, au niveau de l’eau dans ses réservoirs ou encore à la consommation en temps réel de l’énergie, comme cela se fait dans d’autres provinces.

Le gouvernement et actionnaire unique d’Hydro souhaite que le prochain plan stratégique vise «l’accroissement des revenus» de l’entreprise qui contribue à coups de centaines de millions de dollars aux finances publiques. Il lui est recommandé d’intensifier ses efforts pour exporter l’énergie vers l’Ontario et les États-Unis, mais aussi de participer à des projets de construction de lignes ou de barrages à l’international.

Filière éolienne

Cet accent sur les profits n’empêche pas le Conseil des ministres de maintenir le cap sur la production d’énergie par le vent. Il réclame qu’un bilan soit fait de la filière éolienne. Il suggère de regarder de plus près «la complémentarité de l’énergie éolienne dans les réseaux autonomes», que sont les centrales dans le Grand Nord pour desservir les villages inuits.

Le sujet est aussi abordé lorsque le cabinet de Philippe Couillard demande d’étudier l’approvisionnement en électricité de ces communautés et «le raccordement au réseau de projets industriels», en regard du Plan Nord.

Le décret confirme que le dossier de l’électrification des transports n’est pas tombé avec la défaite du gouvernement du Parti québécois, qui en avait fait un élément-clé. Le recours aux compteurs intelligents, qui vaut à Hydro sa part de controverse, n’est pas abandonné non plus. Au chapitre de l’efficacité énergétique, le gouvernement souhaite que le plan stratégique tienne compte «des opportunités liées à la domotique».
Sept ans pour un décret… de cinq ans

Il s’est écoulé sept ans avant que le gouvernement ne vote un nouveau décret pour autoriser Hydro-

Québec à se doter d’un plan stratégique de… cinq ans.

C’est en mai 2008 que le gouvernement libéral de Jean Charest s’est prononcé sur «la forme, la teneur et la périodicité du plan stratégique». Celui-ci aurait dû être réédité en mai 2013. Le Parti québécois n’a pu le renouveler pendant les 18 mois au pouvoir comme gouvernement minoritaire.

La décision qu’a prise le cabinet de Philippe Couillard apparaît plus contraignante qu’en 2008. À l’époque, aucun sujet à considérer pour la planification stratégique n’était énoncé.

Cette fois, huit axes sont mentionnés : le Plan Nord, l’électrification des transports, l’énergie éolienne, l’efficacité énergétique, la recherche et le développement, le gouvernement ouvert, l’accroissement des revenus, les gains d’efficience et les règles d’attribution des bonis au rendement.

Crise des primes aux dirigeants

Sur ce dernier point, il est difficile d’ignorer la tempête médiatique soulevée par la distribution de 22 millions $ en primes aux dirigeants, à la fin du printemps. Le décret rendu public aujourd’hui précise que ces bonis ne se limiteront pas à l’atteinte de résultats prévus, mais qu’ils intégreront aussi «la réalisation des objectifs du plan stratégique».

En nommant Éric Martel grand patron d’Hydro, le ministre Pierre Arcand a souligné que la bonification de la rémunération de ce dernier reposerait aussi sur le plan, au chapitre notamment des résultats financiers, du service à la clientèle et des tarifs.

Il a aussi été signalé que M. Martel devra se contenter d’un fonds de pension et de conditions de départ beaucoup moins généreux que son prédécesseur. Thierry Vandal a quitté deux ans avant la fin de son contrat avec une indemnité de départ de 565 000 $ et une rente annuelle de 450 000 $, à indexer au fil des ans.

Le plan stratégique continuera de couvrir cinq années, mais il sera à ajuster tous les trois ans. Le gouvernement donne à Éric Martel jusqu’en novembre pour le rédiger, soit un peu plus de quatre mois.

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