8 juillet 2016 – Source : Le Monde
Technologies sans fil, prudence ! C’est l’avertissement que lance, à
l’adresse des parents comme des pouvoirs publics, l’Agence nationale de
sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
(Anses) dans un rapport d’expertise sur l’exposition aux radiofréquences
et la santé des enfants, publié vendredi 8 juillet. Elle pointe en
particulier « des effets possibles sur les fonctions cognitives et le
bien-être », qui la conduisent à préconiser « un usage modéré et encadré
» de ces technologies.
En 2013, l’Anses avait déjà rendu un avis général dans lequel elle
recommandait de réduire l’exposition des enfants aux radiofréquences
émises par les téléphones mobiles. Elle va cette fois plus loin, en
s’attachant aux effets potentiels des champs électromagnétiques émanant
des multiples sources auxquelles sont soumis les plus jeunes :
téléphones mobiles et tablettes tactiles pour enfants, mais aussi jouets
radiocommandés (voitures, locomotives, peluches…), robots communicants,
talkies-walkies, veille-bébés (babyphones) et autres dispositifs de
surveillance (tels que les bracelets émettant un signal lorsque le
bambin s’éloigne d’un périmètre donné).
Difficile de mesurer à quel point cette batterie d’objets est
présente dans les chambres des enfants français. Il n’existe pas de
chiffres sur le taux d’équipement des ménages en babyphones ou en jouets
radiocommandés. Le pourcentage de fillettes et de garçonnets possédant
un téléphone portable n’est pas non plus connu. On sait seulement que
chez leurs aînés, de 12 à 17 ans, la part d’individus possédant un
smartphone a bondi de 22 % en 2011 à 55 % en 2013.
Usage de plus en plus précoce
Pour autant, souligne le rapport, « les données disponibles montrent
une très forte expansion de l’usage des nouvelles technologies sans fil,
notamment chez les très jeunes enfants. » Ceux-ci possèdent leur propre
téléphone mobile « de plus en plus précocement, même si la première
utilisation se situe rarement avant l’âge de sept ans. » En outre, « la
multiplicité et la diversité des lieux fréquentés (domicile, école,
lieux publics, installations sportives et culturelles) engendrent des
situations d’expositions très variables. » Si bien que très tôt, et même
« dès la phase de développement in utero », la plupart sont exposés à
des sources « placées à proximité et parfois au contact du corps ».
Or, plus la source émettrice est proche – c’est le cas du portable
collé à l’oreille ou du babyphone posé dans le berceau – et plus la
quantité de rayonnement, c’est-à-dire d’énergie absorbée par la tête ou
par les tissus du corps humain, est importante. Sans parler des
éventuels effets autres que thermiques, et encore très mal connus, des
champs électromagnétiques.
Fonctions cognitives et bien-être
Le comité d’experts s’est focalisé sur les enfants de moins de six
ans, au sujet desquels on trouve peu d’études dans la littérature
scientifique internationale. Il a donc pris en compte les données
disponibles sur l’exposition aux radiofréquences pendant toutes les
phases du développement de l’individu, depuis la période in utero
jusqu’à la fin de l’adolescence. Il a aussi considéré les travaux menés
sur des animaux. Et il a passé au crible les différents effets
sanitaires possibles, en évaluant, pour chacun, le « niveau de preuve ».
Il en ressort que « les données actuelles ne permettent pas de
conclure à l’existence ou non d’un effet des radiofréquences chez
l’enfant », pour ce qui est du comportement, des fonctions auditives, du
développement, du système reproducteur, du système immunitaire et de la
toxicité systémique (effet biologique non localisé). Il en va de même
pour les effets cancérogènes et tératogènes (entraînant des
malformations).
Cela ne signifie pas que de tels effets sont écartés, mais seulement
que le niveau de preuve est insuffisant pour trancher. En 2011,
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé les radiofréquences
comme « peut-être cancérogènes pour l’homme ». Et l’Anses rappelle qu’en
2013, elle avait établi un « effet possible » des radiofréquences sur
l’apparition de gliomes (tumeurs du cerveau) pour les utilisateurs
intensifs de téléphone mobile. Les études publiées ne permettent
cependant pas d’être affirmatif dans le cas spécifique des enfants.
En revanche, les experts concluent à « un effet possible des
radiofréquences sur les fonctions cognitives de l’enfant », telles que
la mémoire, l’attention, les capacités psychomotrices ou le langage. Sur
ce point, précisent-ils, « les résultats montrant des effets aigus [à
court terme] se basent sur des études expérimentales dont la
méthodologie est bien maîtrisée. »
Ils posent le même diagnostic d’« effet possible » sur le « bien-être
» des enfants, un état défini par l’absence de troubles du sommeil ou
de symptômes tels que fatigue, stress, anxiété, irritabilité,
difficultés de concentration ou maux de tête. Toutefois, ils notent que «
ces effets pourraient être liés à l’usage des téléphones mobiles plutôt
qu’aux radiofréquences qu’ils émettent ». Autrement dit, cernes,
migraines et problèmes de concentration résultent peut-être tout
simplement du temps volé au sommeil par l’usage des portables.
Revoir la réglementation
Même si, pour la plupart des troubles ou pathologies envisagés, les
résultats ne sont pas conclusifs, le comité d’experts appelle à
redoubler de vigilance. « Les enfants ne sont pas des adultes
miniatures, souligne Olivier Merckel, chargé des nouvelles technologies à
l’Anses et coordinateur du rapport. Du fait de leur plus petite taille,
de leurs spécificités anatomiques et morphologiques et des
caractéristiques de certains de leurs tissus, ils sont davantage
exposés. En particulier, les zones périphériques de leur cerveau sont
plus exposées que celles des adultes aux radiofréquences. » Des études
dosimétriques ont aussi mis en évidence une plus forte exposition de la
moelle osseuse chez les enfants.
L’Anses préconise donc que tous les équipements radioélectriques, en
particulier ceux destinés à la jeunesse, soient soumis « aux mêmes
obligations réglementaires en matière de contrôle des niveaux
d’exposition et d’information du public que celles encadrant les
téléphones mobiles », ce qui n’est actuellement pas le cas. Elle prône
également de « réévaluer la pertinence » de l’indicateur qui sert
aujourd’hui à mesurer l’exposition des usagers – le débit d’absorption
spécifique (DAS) – et de développer « un indicateur représentatif de
l’exposition réelle, quelles que soient les conditions d’utilisation ».
De surcroît, s’agissant cette fois des radiofréquences générées par
des sources lointaines (antennes-relais, émetteurs de radio et de
télévision), elle recommande de « reconsidérer les valeurs limites
d’exposition réglementaires », afin d’assurer « des marges de sécurité
suffisamment grandes » pour protéger la santé des enfants. Des pays
comme le Canada ou les Pays-Bas ont déjà baissé ces limites, mais les
parlementaires français n’ont pas suivi cet exemple dans la loi sur les
ondes de janvier 2015.
Si de telles mesures relèvent de la législation française ou européenne, l’Anses prodigue des conseils aux parents :
« Inciter leurs enfants à un usage raisonné du téléphone mobile, en
évitant les communications nocturnes et en limitant la fréquence et la
durée des appels. »
« Pour une fois, les choses bougent dans le bon sens, se félicite
Janine Le Calvez, présidente de l’association Pour une réglementation
des antennes-relais de téléphonie mobile (Priartem). Le rapport pointe
des questions sanitaires que nous soulevons depuis longtemps. Nous avons
enfin le sentiment d’être écoutés. Reste à mettre en œuvre les
recommandations, à commencer par la suppression des appareils sans fil
dans les écoles primaires. »
> Lire la nouvelle en ligne sur le site Le Monde
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.