lundi 31 août 2015

On passe pour des allumés: la vie impossible des électrosensibles

29 août 2015 – Source : Journal La Libre

Marie-France ressent un « coup de poignard dans la tête » à proximité d’un portable. Séverine ne quitte plus ses vêtements cousus de métal. La 4G? Une « catastrophe » pour Olivier. Electrohypersensibles, tous se sont réunis samedi en forêt de Rambouillet pour discuter.

« J’ai l’impression que je suis une extraterrestre », lâche une femme. Brouhaha d’assentiment autour de la longue table de bois. Tour à tour, ces dizaines de personnes souffrant d’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques, réunies à l’initiative du Collectif des Electrosensibles de France et de l’association Priartem, évoquent leur syndrome.

Nausées, épuisement, violents maux de tête sont le lot quotidien de nombre d’entre eux. « Hémorragies des yeux, anales, du nez », complète Antoinette, dans cette clairière en bord de route départementale, à 40 kilomètres de Paris. Comme « un coup de soleil en permanence », confie Sophie. Séverine: « un oursin dans mes poumons ».

A la source de leurs maux, décrivent-ils, antennes-relais, portables, wifi, ordinateurs, téléphones sans fil, la 4G, « redoutable » de l’avis de tous, voire simplement le courant électrique. Ou même, pour certains, « une couronne dentaire », « les néons d’un magasin ».

L’électrosensibilité n’est pas reconnue officiellement en France comme maladie et fait l’objet de controverses entre experts. Mais ce rassemblement annuel a cette fois une saveur particulière: la justice a reconnu en juillet le droit à une allocation pour handicap grave dû à l’électrosensibilité, une première.

Car le quotidien devient vite invivable. « Impossible de prendre le train, le métro », raconte Séverine: trop de portables dans un espace confiné. Isabelle doit demander à sa famille de lire pour elle ses emails professionnels. En invalidité depuis 2011, Manuel Hervouet, fondateur du collectif, témoigne: « C’est la retraite avant l’heure, l’impasse professionnelle, de faibles revenus ».

Peinture anti-ondes

A cela s’ajoute un sentiment de grande solitude. « Un mur total d’incompréhension » de la part du « médecin de village », raconte Séverine. « On passe pour des allumés », abonde Pauline. « Le médecin m’a dit que j’avais besoin de soins psychiatriques », confie Emilia.

Les proches, les voisins ne sont pas toujours compréhensifs. Malgré un « jardin de 3.000 mètres carrés » pour protéger son fils de l’extérieur, il reste un riverain « qui ne veut pas éteindre son wifi », peste Pascaline.

Dans la clairière, on s’échange de bons conseils : traitements, marques de peinture au carbone pour isoler sa chambre, nourriture à éviter. Antoinette témoigne: « Dès que je mange du lactose, j’ai mal au foie et aux doigts de pieds ». On discute de l’utilité de porter des sous-vêtements tissés d’argent et de cuivre : Séverine trouve qu’ils la protègent « à 30% ».

On se remonte aussi le moral. La voix de Sandy, graphiste, se brise quand elle dit : « Le jour où j’arrêterai totalement l’ordinateur, je fous le camp, je vous le dis clairement ».

On réaffirme aussi le besoin de maintenir en France des « zones blanches », sans ondes. Séverine: « En ville, même un cagibi, même un container, je m’en fous! Surtout dans les hôpitaux ».

« Le corps médical ne se met absolument pas en branle pour essayer de décrire la maladie », déplore Sophie Pelletier, porte-parole du collectif.

Celui-ci réclame notamment « un moratoire sur les (compteurs électriques communicants) Linky », « la suspension de l’expérimentation des tablettes à l’école », un nouveau rendez-vous au ministère de la Santé ou encore « des mesures urgentes de mise à l’abri » pour les plus atteints par le syndrome.

Ces derniers ne sont pas au rendez-vous, exilés bien loin de Paris. Car, même dans l’isolement apparent de la forêt de Rambouillet, difficile d’être serein. Séverine « sent une antenne-relais ». « Moi, je ressens les avions » qui survolent la clairière, dit Antoinette. Rires jaunes dans l’assistance: « On a téléphoné à Air France… Ils sont vraiment pas coopératifs ».

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