samedi 23 mai 2015

Electrosensibilité : l’entrée dans le Larousse est-elle ou non une dédiabolisation?

19 mai 2015 – Source : Jean-Yves Nau, journaliste et docteur en médecine / Le club des médecins blogueurs

Bonjour

Au début, dans les temps très anciens, émergea la sensibilité. A ne pas confondre avec la sensiblerie (plus tardive, qui n’en est qu’une affectation perverse). Puis, avec l’immunologie et son décryptage du pathologique exacerbé, vint l’hypersensibilité.

Littré

Nous en sommes désormais au stade suivant, celui de l’électro-sensibilité. C’est Larousse qui le dit. Ce n’est certes pas Littré, qui ne se trompe jamais ; pour autant on ne saurait minimiser la version millésimée 2016 de son concurrent. Et contrairement à ce que pourrait imaginer un naïf du langage la fée électricité n’a rien à voir dans le tableau, directement du moins.

Electro-sensibilité : « ensemble des troubles physiques dus, selon la description des personnes atteintes, à une sensibilité excessive aux ondes et aux champs électromagnétiques ambiants ».

Comme souvent dans ces eaux les synonymes pullulent : « sensibilité électromagnétique », « intolérance environnementale idiopathique attribuée aux champs électromagnétiques » ( IEI-CEM), « électro-hypersensibilité » ; « syndrome d’intolérance aux champs électro-magnétiques », SICEM).

Larousse

Des symptômes à foison, rarement quantifiables de manière objective, absence de démonstration d’une relation de causalité, absence de physiopathologie structurée, absence d’effet-dose en dépit des allégations des souffrants… Difficultés méthodologiques considérables pour mener des enquêtes de terrain… On est loin d’être en terrain sûr. D’autant que des commerces fleurissent aux frontières du rationnel qui entretiennent les convictions et proposent des remèdes.

L’entrée dans le Larousse aidera-t-elle à progresser dans la jungle des ondes ? On peut en douter. Certains le pensent. Pour Sophie Pelletier, porte-parole d’ « Electro-sensibles de France / Priartem », il faut voir là un symbole extrêmement fort : « Après son entrée en janvier dernier dans la loi Abeille sur la sobriété en matière d’ondes, le terme électro-sensibilité est maintenant validé par une référence de la langue française. Cette définition, simple, consacre la réalité somatique des troubles tout en évitant habilement l’ornière de la controverse sur leur origine ».

Un mot dictionnarisé consacrant une réalité somatique ? Le verbe et la chair ?

Eluard

Sophie Pelletier dit à sa façon la vérité : « Aujourd’hui, on ne connaît quasiment rien sur les mécanismes produisant cette perte de tolérance aux ondes et si plusieurs méthodes diagnostic existent, aucune ne fait référence au niveau académique. Malheureusement, la Haute Autorité de Santé se refuse toujours à se pencher sur cette maladie environnementale émergente. L’ANSES, quant à elle, doit remettre un rapport et nous espérons que certaines données fondamentales concernant les effets biologiques des ondes, notamment sur le cerveau, pourront être mises en lumière. »

On notera, sans malignité, qu’une autre entée dans le Larousse 2016 voisine avec celle de l’intolérance aux ondes. Il s’agit de « dédiabolisation » : « Action de dédiaboliser, de faire cesser la diabolisation de quelque chose, de quelqu’un ».

Qui a dit qu’il n’y avait pas de hasard, simplement des rendez-vous ? Eluard peut-être.



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