mardi 12 mai 2015

Hydro-Québec : de plus en plus de plaintes

11 mai 2015 – Source : La Presse+

Vous souvenez-vous de ces huit familles grillées par une surtension monstre d’Hydro-Québec ? Je vous ai déjà raconté la consternante histoire de ce groupe de Montréalais qui avaient subi des dégâts majeurs à cause de l’erreur d’un employé de la société d’État.

Si je vous en reparle aujourd’hui, c’est pour vous montrer qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond (ou qui tourne en rond !) dans le processus de plaintes d’Hydro-Québec.

C’est aussi pour vous démontrer qu’il est grand temps d’assujettir ce monopole d’État à la compétence du Protecteur du citoyen, qui réclame ce pouvoir depuis de trop longues années.

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Flash-back en octobre 2013. Des résidants du quartier Ahuntsic ont eu toute une frousse. Après une panne d’électricité, le courant reprend en fou. Les ampoules éclatent. Les prises de courant explosent. Les appareils électroniques sautent : cuisinière, Xbox, aspirateur central… Tout est fichu.

« On se serait cru dans un show de Pink Floyd ! » se rappelle un des sinistrés, Olivier Jérôme.

Que s’est-il donc passé ? L’équipe d’Hydro-Québec qui s’est rendue sur les lieux pour rétablir le courant a commis une erreur. Le sélecteur de tension du transformateur qui alimente le quartier n’a pas été remis dans sa position normale.

Reconnaissant sa faute, Hydro s’engage à dédommager les clients, après mon intervention. Mais un an et demi plus tard, le dossier n’est toujours pas réglé.

N’ayant pas d’expertise en règlement de sinistre, Hydro a demandé à ses clients de communiquer avec leur assureur, promettant de payer la facture. Mais par la suite, Hydro a décidé de rembourser uniquement la valeur dépréciée des biens (plutôt que la valeur à neuf), si bien que les propriétaires ont subi une hausse de leur prime d’assurance de 10 % à 25 % après la réclamation.

Hydro avait aussi promis d’envoyer un inspecteur pour s’assurer que la surtension n’avait pas endommagé le système électrique des maisons. Mais l’inspecteur a rapidement statué que tout était en ordre après avoir mené des vérifications très superficielles.

Dans les mois qui ont suivi, certains propriétaires ont eu encore des ennuis. Chez M. Jérôme, par exemple, les plinthes électriques font un bruit étrange. L’une d’elles a rendu l’âme dernièrement, ce qui a permis de constater que les composantes internes avaient fondu à cause de la chaleur. Rien de rassurant.

Pour s’assurer que leur maison est véritablement sécuritaire, le groupe de clients voudrait engager un inspecteur qui mènerait des tests plus approfondis. Il veut qu’Hydro paie pour cela. Et pour le reste des dommages. Et pour la hausse des primes d’assurance.

Mais traiter avec Hydro-Québec est une vraie course à obstacles.

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Depuis 2010, les plaintes contre la société d’État ont grimpé de 15 %, pour atteindre 6038 l’an dernier. Quant aux réclamations, elles ont augmenté de 10 %, à 3759.

Mais le service des plaintes d’Hydro n’est pas une sinécure, comme le démontre l’expérience du groupe de sinistrés d’Ahuntsic.

Lenteur. Manque de communication. Condescendance. Intimidation. La société d’État aurait voulu les pousser à abandonner leur plainte qu’elle n’aurait pas agi différemment. Incapable de régler le litige, le groupe se retrouve aujourd’hui devant l’impasse.

Le groupe a voulu s’adresser à la Protectrice de la personne d’Hydro-Québec. Mais son mandat est moins large que son titre le laisse présager. En fait, cette protectrice, qui travaille à temps partiel, s’occupe uniquement des plaintes des employés.

Les sinistrés ont ensuite songé à la Régie de l’énergie. Ce tribunal administratif accueille les plaintes des clients insatisfaits d’Hydro, quoiqu’un nombre significatif de plaintes ne sont pas recevables. Par contre, il ne traite pas les réclamations contre la société d’État, pourtant fort nombreuses.

Comme le Protecteur du citoyen ne peut pas s’occuper d’Hydro, il ne reste qu’une seule option : la Cour des petites créances. Des démarches longues, pénibles et coûteuses pour les clients… et pour l’État. Beau gaspillage !

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Pourtant, il serait si simple d’élargir le mandat du Protecteur du citoyen pour aider les clients insatisfaits d’Hydro-Québec. Dans toutes les autres provinces, l’ombudsman gouvernemental peut intervenir auprès du fournisseur d’électricité.

Au Québec, le Protecteur du citoyen estime qu’il pourrait traiter 1500 cas par année. Les coûts engendrés seraient amplement compensés par les économies que réaliseraient les citoyens et Hydro-Québec, qui se retrouveraient moins souvent en cour.

Mais la société d’État rétorque que la Régie de l’énergie s’occupe déjà des appels pour les plaintes. C’est vrai, mais le processus est lourd. Si le conflit ne se règle pas en médiation, le citoyen doit aller devant le tribunal : payer 30 $, monter la preuve, préparer ses témoins, peut-être engager un avocat… Beaucoup plus complexe que le dépôt d’une plainte au Protecteur du citoyen, qui prendrait le dossier gratuitement sous son aile.

Pour les réclamations, Hydro ajoute qu’elle dispose déjà d’un système d’appel à l’interne. Oui, mais il n’est pas aussi indépendant et impartial qu’un ombudsman externe en lequel les clients auraient davantage confiance.

D’ailleurs, les statistiques démontrent que les clients qui n’ont pas réussi à régler une réclamation se détournent de plus en plus du système interne d’Hydro-Québec, qui reçoit deux fois moins d’appels qu’il y a cinq ans. Parallèlement, les plaintes déposées chez le Protecteur du citoyen contre Hydro-Québec ont pratiquement doublé, atteignant 310 l’an dernier. Malheureusement, le Protecteur ne peut rien faire.

Cela fait au moins 15 ans que le Protecteur du citoyen réclame le pouvoir d’intervenir contre Hydro. L’an dernier, la Commission des institutions a fait une recommandation en ce sens à Québec. Il suffirait d’ajouter un alinéa à la loi constitutive du Protecteur du citoyen.

Récemment, l’Assemblée nationale a assujetti Hydro-Québec à la compétence du Vérificateur général.

À quand un système indépendant et impartial pour protéger les clients d’Hydro-Québec ? Il faudrait juste un peu de volonté politique…

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