mardi 26 mai 2015

Hydro-Québec «inféodée» déplorent des chercheurs

26 mai 2015 – Source : Journal Le Soleil

(Rimouski) On se représente souvent Hydro-Québec comme un «État dans l’État», protégé des diktats de politiciens par sa propre force et par la Régie de l’énergie. Or si ce fut déjà le cas, force est de constater que le politique a fini par mettre au pas la société d’État, ont déploré lundi plusieurs chercheurs au congrès de l’ACFAS.

«J’en suis venue à conclure qu’Hydro-Québec n’est plus autonome [du politique] parce qu’elle peut se faire imposer des décisions qui vont jusqu’à l’absurde», a plaidé la chercheuse de l’École nationale d’administration publique Marie-Claude Prémont, avec son collègue Luc Bernier.

Ces décisions «absurdes», illustre-t-elle, consistent par exemple à accepter de signer des contrats d’approvisionnement [éolien ou autre] où Hydro-Québec doit acheter de l’électricité plus cher que le prix qu’elle pourra en retirer. Ou alors à payer 150 millions $ par année à TransCanada pour maintenir sa centrale au gaz naturel de Bécancour fermée.

«Si on regarde de façon historique, explique Mme Prémont, avait pour objet de s’assurer de l’approvisionnement en électricité pour les Québécois au meilleur tarif. La loi le dit clairement aussi, c’était ça l’objet. Et les bas tarifs ont aussi un but de développement économique […] parce qu’ils favorisent un développement industriel. Mais maintenant, on est dans une situation où […] on a imposé l’éolien pour des fins de développement régional. C’était pour aider la Gaspésie, et c’est une chose qu’il faut vraiment faire, mais je pense qu’on prend la mauvaise voie parce que ça nuit à l’ensemble, en faisant monter les taux de l’électricité jusqu’à un point où ils ne sont plus compétitifs. Et ça va plus loin parce qu’on est en train de donner les bénéfices à la grande entreprise internationale [propriétaire des parcs éoliens, puisque Hydro-Québec ne fait pas de développement éolien].»

Cette inféodation au politique a par ailleurs eu des conséquences très concrètes sur la façon dont s’est développée la filière éolienne, en dirigeant le développement de parcs dans des endroits qui n’étaient pas toujours idéaux, a témoigné le physicien Gaétan Lafrance, professeur émérite à l’INRS qui a beaucoup travaillé sur la prédiction de la demande en électricité. En principe, pour maximiser les retombées de l’éolien, il faut construire les parcs dans les régions les plus venteuses, évidemment, mais aussi proche de lignes de transport existantes ou proche des grands centres, afin d’éviter d’avoir à construire de coûteuses lignes à haute tension sur de grandes distances.

Ajout de coûts

Or si le Québec avait appliqué ces critères, dit M. Lafrance, «il y aurait eu moins d’éoliennes en Gaspésie, parce que la demande est faible là-bas. Et les lignes de transport n’étaient pas suffisantes, on a été obligé de renforcer le réseau beaucoup en Gaspésie pour favoriser l’éolien là-bas. Ça, c’est vraiment une politique du gouvernement du Québec, au sens où on a dit : on va payer plus cher notre éolien que si on avait mis ça à la baie James ou à Montmagny.»

La construction de lignes de transport a ajouté un coût de l’ordre de 1,5 ¢ du kilowattheure à l’éolien gaspésien, relate M. Lafrance.

«L’erreur, poursuit-il, ça a été de laisser le concours ouvert. Hydro-Québec a une petite grille pour écarter certaines propositions, mais ce n’est pas optimal. Par exemple, il y a beaucoup de parcs éoliens qui se sont construits dans la région de Montréal. Or du point de vue [du vent], ce n’est pas le meilleur endroit : on est à 6 mètres par seconde de vitesse de vent [en moyenne annuelle], alors qu’on a des endroits à 8 et 9 m/s. Ça veut dire qu’on a une perte de rentabilité importante à cause de ça.»

> Lire la nouvelle en ligne sur le site du Journal Le Soleil